lundi 6 décembre 2010

Hommage au Père François Natambise d’heureuse mémoire : Missionnaire de la Consolata

Même si l’on écrivait bien des années  plus tard, la fraîcheur du mémoire nous serait autant vive qu’à présent. Nul ne puisse ignorer cet événement doublement marqué : il nous apparait  tantôt une perte (aux yeux du monde),  tantôt un gain dans la vie béatifique (aux yeux de la foi). Il s’agit ici de la mort douloureuse et inopinée du Père François Amboka Natambise d’heureuse mémoire : IMC.
La mort du Père François était un coup de surprise, non seulement aux missionnaires de la Consolata, mais aussi à tous ceux et à toutes celles qui le connaissaient. Cela était manifesté par l’atmosphère morose qui a gouverné tout ce moment de funérailles, voire bien après. 
Tant qu’à commencer par sa biographie, nous n’aimerions dire que voici : Après sa formation de base, le feu Père a été affecté d’abord en Côte-d’Ivoire, et ensuite en R.D.C., où il a œuvré jusqu’à sa dernière heure.
Quant à sa biographie, nous voudrions nous y arrêter. Car le Père lui-même avait écrit sa véritable autobiographie. Alors, si nous prétendons à réécrire là-dessus, nous ne serons que des  plagiaires. Néanmoins, on peut fait un commentaire utile là-dessus. Le Père n’aurait pas pu écrire cette biographie sur un papier, mais il l’a bel et bien écrite dans les cœurs de ses contemporains. Cela s’est bien montré après sa mort, lors des funérailles, où de nombreux témoignages de ceux qui le connaissaient nous ont laissé toute ouïe et bouche bée : Sa mère, ses confrères de l’IMC en R.D.C., et autant en Côte-d’Ivoire qu’ailleurs ; d’innombrable chaîne de personnes : de sa famille naturelle jusqu’aux extrémités de ses connaissances, et nous en passons.
D’après ces nombreux témoignages, le feu Père était fidèle à son appel en tant que missionnaire de la Consolata, dont il était fier, et il vivait le mystère du Christ. C’est grâce à cela qu’il a pu toucher les cœurs de ses fidèles et contemporains. A part sa vie de prière, sa pastoral et son ministère à tous les chrétiens, le Père était passionné d’une façon spéciale pour la pastoral des jeunes. Doué aussi bien en musique qu’au football, il avait la facilité d’accéder et  d’attirer  les jeunes, cela, en vue de les former.
Le Père a bien fini  son parcours missionnaire.  Le seule hommage que l’on puisse lui faire c’est de continuer sa pastoral qu’il aimait tant : son service infatigable au peuple de Dieu et son accompagnement des jeunes.
Kende malamu papa ! Mungu akulaze mahali pema peponi ! Adieu notre frère! May you rest in peace ! Que descance em paz! Que descance en paz!

dimanche 5 décembre 2010

LA PERTINENCE DE L’HERMENEUTIQUE DANS L’INCULTURATION DU DOGME EN AFRIQUE.


0.      INTRODUCTION
Ce travail s’agit de la pertinence de l’herméneutique dans l’inculturation du Dogme en Afrique. Cette œuvre est inspirée de l’ouvrage de   Léonard Santedi, Dogme et Inculturation en Afrique : Perspective d’une théologie de l’Invention. Préface de Claude Geffré, Paris, Karthala, 2003, 223p. Dans ce travail, nous avons choisi de traiter la question suivante : « Quelle est selon vous  la meilleure méthode en théologie aujourd’hui ? »
            Nous nous occuperons d’entrée de jeu de donner une synthèse du chapitre 5 de cet ouvrage «Dogme et herméneutique » (p. 125-138).  Ensuite, nous élaborerons les huit méthodes recensées et utilisées couramment aujourd’hui, tout en montrant leurs fécondités,  leurs limites (leurs défauts majeurs). Cette élaboration consistera aussi à montrer la contribution du modernisme théologique ainsi que les Théologies du Tiers-Monde, et la Théologie Africaine en particulière, dans l’inculturation du Dogme chrétien. Puis, nous parlerons de Dogme comme conçu par la théologie scholastique ainsi que par les courants modernes de théologie aussi bien que par les théologies du Tiers-Monde. C’est après cela qu’on montrera alors le rapport entre l’Herméneutique et le Dogme tout en montrant la pertinence de la méthode herméneutique dans l’inculturation du Dogme chrétien. Cela suivi d’une conclusion générale. C’est ici où on a montré qu’il n’y a pas de méthode théologique qui est meilleure que les autres. La pertinence d’une méthode par rapport aux autres dépendra alors de l’objet qu’on traite. On saura que toutes les méthodes théologiques se complètent et s’enrichies.  Cependant, nous signalerons les deux défauts majeurs qui mettent en danger toutes les méthodes, à savoir : L’historicisme et l’extrinsécisme. Nous terminerons notre parcours en montrant la pertinence d’inculturer et de contextualiser les dogmes aujourd’hui, pour que l’évangélisation soit efficace. Cette tâche assez lourde s’accomplira à travers la méthode herméneutique. 

I.  UNE SYNTHESE DU PARAGRAPHE DOGME ET HERMENEUTIQUE
           
 I.1. La théologie comme herméneutique
La théologie est herméneutique par nature, car elle étudie une tradition transmise essentiellement par des textes et leur interprétation. L’expression « théologie herméneutique » est à entendre de nos jours comme une nouvelle manière de faire de la théologie, c’est-à-dire qu’on s’interroge sur le destin de la raison théologique à l’âge de la raison herméneutique. 
La théologie dogmatique est conçue comme présentation systématique des vérités chrétiennes, telles qu’on les trouve dans les divers documents de la tradition, tandis que l’herméneutique évoque plutôt un mouvement de pensée théologique qui, par une mise en relation vivante entre le passé et le présent, court le risque d’une interprétation nouvelle du christianisme pour aujourd’hui. Le point de départ de la théologie dogmatique c’est l’enseignement du Magistère  hiérarchique. Le point de départ de la théologie comme herméneutique n’est pas un ensemble de propositions de foi immuables, mais c’est la pluralité des écritures comprises à l’intérieur du champ herméneutique ouvert par l’événement Jésus Christ. Ainsi, faire œuvre herméneutique c’est créer de nouvelles interprétations et même produire de nouvelles figures historiques du christianisme dans d’autres temps et d’autres lieux.
I.2. Les tâches de la théologie herméneutique : le passage  de la dogmatique à l’herméneutique comme une véritable révolution épistémologique :
I.2.1.La notion du sens : La théologie est herméneutique dans la mesure où elle n’a pas seulement comme tâche d’exposer la vérité objective de la révélation divine mais de comprendre ce qui peut être dit et communiqué à l’homme d’aujourd’hui sur la base de cette révélation.
I.2.2. La notion d’historicité : Comprendre l’exigence herméneutique de la théologie c’est prendre au sérieux l’historicité de la vérité même quand il s’agit de la vérité révélée et c’est comprendre au sérieux l’histoire de l’homme comme sujet interprétant et dont tout acte de connaissance est inséparable d’une interprétation de soi.
I.2.3. Le monde du texte : l’herméneutique nouvelle est  créatrice. Elle prend au sérieux la matérialité du texte fondateur et son historicité radicale. Il n’y a pas d’actualisation de la révélation sans production d’une nouvelle interprétation. Le devenir est donc impliqué dans l’herméneutique.
Ces trois traits de la théologie herméneutique nous conduisent à souligner la structure théandrique de la révélation chrétienne.
La théologie est prise entre deux tâches à la fois concomitantes et indispensables : comprendre la Parole de Dieu dans son authenticité et s’ouvrir aux interrogations humaines pour les éclairer, c’est-à-dire une double herméneutique : une herméneutique de la Parole de Dieu et une herméneutique de l’existence humaine.
I.3. Théorie et pratique en théologie herméneutique
Il y a une problématique du primat à accorder soit à la théorie, soit à la pratique. Pour les scholastiques, le dogme est d’abord l’énoncé d’une thèse théorique et spéculative, donc déductive. Pour les modernistes, comme Le Roy,  le dogme est avant tout une notification de conduite à suivre. Il conçoit la théologie comme une science inductive,  attribuant au dogme le rôle bergsonien d’un schéma dynamique. Une herméneutique de la vérité a toujours une portée pratique : une pratique sociale et une pratique politique. La vraie vérité est celle qui se met en pratique. Sans la praxis, le dogme est inanimé, insipide et aliénant. Les théologies du tiers-monde, qui se veulent résolument théologies contextuelles, accordent de ce fait une attention particulière au contexte, car le contexte influe aussi bien sur la perception d’un contenu que sur la manière dont ce dernier est exprimé.

II. LA MÉTHODE

On peut noter huit méthodes utilisées couramment aujourd’hui par les théologiens[1].
II.1. la méthode déductive – elle essaie de dégager un lien logique existant entre deux réalités ou phénomènes. C’est la méthode qui caractérise formellement la science de type aristotélicien ainsi que la théologie scholastique qui conçoit la théologie comme une science des conclusions, une science fondamentalement et essentiellement déductive, spéculative, théorique, intellectuelle. Avec son Encyclique Aeterni Patris, le Pape Léon XIII a proclamé le 4 aout 1879, st Thomas patron de toutes les universités et académies  catholiques en  imposant le thomisme comme base unique  de l’enseignement ecclésiastique, une science par excellence et suis generis.
Les limites de cette méthode : le défaut majeur de la méthode déductive est le rationalisme arrogant, intolérant et qui refuse le principe du pluralisme des méthodes et des philosophies en instance de fonctionner valablement dans la pratique théologique. Ce refus du pluralisme est à la racine de la grave crise qui secoua l’Eglise du début du XXe siècle, qui a conduit à une contestation par le modernisme[2]  et les théologies du Tiers-Monde:
            II.1.1. M. D. CHENU : Au nom de la méthode historique, il a critiqué cette méthode à causes de ses trois faiblesses, à savoir : l’intellectualisme, le mépris de l’histoire et de la méthode historique, et la réduction de la méthode théologique à la culture gréco-romaine, c’est-à-dire la surévaluation des racines gréco-romaines.
            II.1.2. Maurice BLONDEL : Au nom de la philosophie de l’action, et en prônant le primat de l’agir sur la pensée, il a renvoyé dos-à-dos l’extrinsécisme et l’historicisme. Pour lui, il faut considérer l’acte de la Foi (Fides quae et Fides qua)  dans sa réalité originale d’option personnelle et libre. Ainsi, l’effort de démonstration de la théologie (l’action de l’homme) doit porter sur le Fides qua qui a beaucoup de défauts.
            II.1.3. Edward LE ROY : Au nom d’une métaphysique positive et tout en s’inspirant de la critique bergsonienne, il a rejeté la conception déductive et intellectualiste de la Foi (Fides quae et Fides qua) et du dogme chrétien. Il a proposé une conception pragmatique du dogme. Le dogme pour lui a d’abord et avant tout un sens moral et pratique, qui exprime ce que nous devons faire et ce que nous devons être.
            II.1.4. Lucine LABERTHONNIERE : Au nom de la méthode d’immanence, et tout en dépassant M. Blondel et E. Le Roy, il a instauré une théorie mystique de la connaissance inspirée de st. Augustin et de pascal. Pour lui, l’acte de Foi et les dispositions morales du sujet sont sources et fondement de toute connaissance vraie liée au site d’intelligibilité théologique du révélé chrétien.
II.1.5. Les Théologies du Tiers-Monde : Aujourd’hui, on parle des  Théologies du Tiers-Monde, c’est-à-dire la Théologie Asiatique, la Théologie Africaine, la Théologie Latino-Américaine. Ces Théologies sont caractérisées nettement par l’engagement actif, la rigueur,  l’autocritique et la continuité ou un sens de l’avenir. Elles mettent en question la théologie scholastique tout en maintenant que :
« toute théologie est engagée et conditionnée (…) par le contexte socio- culturel dans lequel elle se développe. La tâche théologique chrétienne doit comporter l’autocritique des  théologiens conditionnés par le système de valeurs de leur environnement. Elle doit être considérée en fonction de besoin de vivre et de travailler aves ceux qui ne peuvent s’aider eux-mêmes, et d’être avec eux dans leur lutte pour la libération »[3].
           II.2. La méthode génétique ou rétrospective ou historique : Elle considère la religion comme une réalité évolutive, comme une histoire : les faits religieux s’enchaînent dans le temps, liés les uns les autres pour former un continuum. Un fait est la résultante de ce qui le précède et contient tout ce qui le suit. Le présent oriente en aval et prolonge en amont le progrès plénier des individus et des peuples. Il faut découvrir les origines, les causes des phénomènes et leur évolution.
Le recours à l’histoire et à la méthode historique constitue un must, une route obligée pour saisir et expliquer en sa teneur essentielle le « Donnée révélé » qui s’impose à nous comme un donné, un fait social et historique, et qui est sujet à l’interprétation selon une méthodologie propre et appropriée. Comme science, la théologie a son histoire, son contexte, son avant –contexte, sa culture-mère. L’histoire est nécessaire comme fondement de notre Foi en Dieu présent et manifesté en Jésus Christ. Car sans Christ réel, et réellement inséré dans l’histoire de l’humanité, notre foi est en vain.
Ses faiblesses ou limites : le défaut majeur de la méthode historico-critique est l’historicisme ou la prétention de se passer de la méditation philosophique.
         II.3. La méthode fonctionnelle : elle considère la société comme un système structuré, cohérent, compartimenté en sous-système fonctionnellement imbriqués dont chaque élément dépend de tous les autres. Elle considère la place des faits dans la structure c’est-à-dire, leur fonction dans la structure ou dans le sous-système. Cette méthode est couramment utilisée en théologie dans l’exégèse biblique, la théologie morale et la théologie spirituelle.
Ses limites : Le défaut majeur de la méthode fonctionnelle est le structuralisme et l’esprit de système qui conduit facilement au fondamentalisme conservateur qui est une mauvaise manière de concevoir le temps c’est-à-dire, confondre le temps et l’éternité, la norme régulatrice et l’histoire, méconnaître la portée épistémologique  de l’historicité.
          II.4. La méthode dialectique : elle considère la société comme un système d’actions et de réactions qui se constituent à la suite des désaccords, des contradictions qui se manifestent entre les acteurs et les constellations (ensembles) qu’ils créent. Le système a des structures pour se restructurer à l’issue des affrontements. La raison du mouvement et du devenir n’est ni la haine ni la  lutte des classes ni la violence, c’est plutôt l’Amour, la Solidarité des individus et des peuples[4]. Ce mouvement est diachronique parce qu’il s’inscrit dans la succession réelle des phénomènes ou dans le temps. La méthode dialectique est au cœur de la réalité sociale et ecclésiale. A titre exemplaire la théologie de la conversion ou des Béatitudes.
Ses limites : cette méthode a trois faiblesses majeures : la prétention de se passer de métaphysique tout en séparant de la création et l’incarnation, théorie et praxis, science et religion, Dieu et l’homme, le sacré et le profane ; le subjectivisme et l’individualisme ;  la présentation et l’imposition d’une interprétation unilatérale(biaisée) de la réalité totale.
        II.5. la méthode projective : elle considère la société comme un projet, c’est-à-dire un système d’acteurs collectifs ou individuels dont les projets et stratégies plus ou moins consciemment élaborés, les aspirations et les motivations suscitent les événements, font et défont les constellations, impriment l’orientation à l’évolution. Ces auteurs sont capables de prévoir et de planifier ou d’avoir une vision de transformer le système. Ils  agissent alors sur les structures, les données permanentes ou durables de leur société et font l’histoire. Donc l’histoire est une création des hommes.
Cette méthode est utilisée en théologie aujourd’hui : la dimension éthique du message biblique, les béatitudes, la théologie de l’engagement, la théologie des signes des temps, et la théologie morale.
         II.6. La méthode phénoménologique : elle saisit le phénomène religieux comme la vie elle-même, comme unité significativement organisée, comme ensemble ou structure. Elle a comme but de dépasser la pure subjectivité comme la pure objectivité, car ni le sujet ni l’objet ne se situent en dehors de la vie et de l’expérience. Il n’y a pas de désengagement total de soi-même face à la réalité à comprendre. Elle nous aide à nous débarrasser d’idées abstraits, de catégories a priori sur Dieu   pour nous convertir au phénomène religieux dans son essence et ses manifestations. La notion de Dieu s’inscrit à l’intérieur d’un champ culturel et religieux.
Ses limites : elle laisse s’évaporer la particularité des faits dans l’universalité d’une nébuleuse.  Elle nous présente une religieuse générale qui devient une abstraction.
         II.7. La méthode herméneutique : pour cette méthode  l’interprétant se tient toujours sur le terrain d’une tradition particulière et ne parle pas de nulle part. Elle cherche à supprimer la distance qui sépare le terrain de l’objet à l’interpréteur. L’objet a à interpréter est un  discours qui, en tant que tel, véhicule une première interprétation. C’est alors que l’on dit qu’il n’y a pas de texte sans contexte, c’est-à-dire il n’y a pas de discours formellement scientifique qui n’ait une histoire, qui ne comporte un langage propre et qui ne débouche sur une nouvelle thématique. En théologie, l’herméneutique comprend trois étapes, à savoir : contextualisation (mise en situation) ou expliquer ; décontextualisation (mise en perspective) ou comprendre ; et recontextualisation (reconstruction synthético-intégrative) ou interpréter.  
Ses limites : le défit est toujours comment maintenir un quelconque équilibre, une quelconque rigueur entre le pôle objectif (texte)  et le pôle subjectif (interprète et son monde).
      II.8. La méthode conjecturale : elle repose sur le calcul de probabilité (lois statistiques ou de grands nombres).     

III. LE DOGME
            
  Le terme  dogme  (du grec dokeo, je pense, je crois) signifie « vérité de foi contenue dans la Révélation et proposée par le Magistère extraordonnaire (Pape ou concile œcuménique) de l’Eglise à l’adhésion des catholiques, dans le langage d’une période historique donnée »[5]. Cependant,  « ce terme dogme peut être étendu aux vérités contenues dans la Parole de Dieu telle que l’expose unanimement le magistère ordinaire de l’Eglise, même si ces vérités n’ont jamais fait l’objet d’une définition conciliaire ou papale »[6]. C’est alors qu’on peut considérer le dogme « comme comprenant l’ensemble de la prédication de la foi, voire comme la foi de l’Eglise »[7]. Le dogme est une vérité à croire, c’est-à-dire une affirmation directement ou formellement continue dans la révélation divine, imposée comme telle à la foi de tous les fidèles par et dans l’Eglise ; le pape parlant ex cathedra.
       III.1. Différentes versions de comprendre le dogme
Il y  a de nos jours plusieurs façons de comprendre ou d’interpréter  le dogme :
      III.1.1. Les scholastiques : Pour les scholastiques, « le dogme est d’abord l’énoncé d’une thèse théorique et spéculative, une notification de vérité à penser »[8], c’est-à-dire ils conçoivent la théologie comme science déductive, procédant à partir du donné révélé pour en tirer des conclusions théologiques. 
     III.1.2. Le Roy et le mouvement théologique moderniste : Pour eux, « le dogme est avant tout une notification de conduite à suivre »[9]. Il appuie alors une conception pragmatiste du dogme. Il « ne veut accorder le primat ni à une action séparée de la pensée, ni à une pensée séparée de l’action, le concret, pour lui, c’est la pensée-action, la vie de l’esprit, la réalité antérieure à toute analyse conceptuelle et discursive »[10]. Un dogme a surtout un sens pratique, car il énonce avant tout une prescription d’ordre pratique. Une herméneutique de la vérité a toujours une portée pratique : une pratique sociale et une pratique politique.

IV. HERMÉNEUTIQUE

« L’herméneutique est la science  qui définit les principes et les méthodes de l’interprétation des textes »[11]. Elle a pour fonction de mettre à jour les différents points de vue et d’analyser tout ce que peut les influencer et les expliquer. « L’herméneutique comme lecture interprétative des textes est coextensive à la théologie chrétienne dès les origines. La théologie est même herméneutique par nature, car elle étudie une tradition transmise essentiellement par des textes te leur interprétation »[12].

V. HERMÉNEUTIQUE ET L’INTERPRÉTATION DU DOGME EN AFRIQUE

Ce qui est en jeu dans l’interprétation du dogme, c’est l’annonce de l’Evangile. Le mystère de Jésus de Nazareth a été réinterprété à partir des grandes catégories de la pensée grecque comme un premier processus d’inculturation qui a conduit à une métamorphose des concepts utilisés pour exprimer la plénitude du Christ comme Fils de Dieu. Alors, il faut accepter le régime d’incarnation du christianisme. Il faut inventer une réinterprétation originale des grandes vérités de la foi chrétienne qui soient au point de rencontre de l’occident et de la capitale culture de l’Afrique. Il s’agit  là de l’enjeu herméneutique de toute traduction comme recherche inlassable des équivalences quand on passe du génie d’une langue à celui d’une autre. La tâche propre d’une théologie africaine serait d’instituer ou de faire advenir de nouveaux langages qui disent la foi en Jésus-Christ avec la sémantique et la syntaxe des langues africaines. Une théologie de l’inculturation fondée sur l’herméneutique qui est inséparablement une herméneutique du sens et une herméneutique de l’action.
« Il importe de sauvegarder noter altérité (identité) sans porter atteinte au message révélé. On ne peut parler valablement du sens de Dieu dans une autre culture que si l’on est soi-même ancré dans sa propre culture : nul ne parle de nulle part. L’herméneutique devient ainsi dialogue dans la mesure où soi-même on se tient sur le sol de sa propre tradition et, où l’on se reconnaît comme conscience historique »[13].
La compréhension d’un texte conduit à une nouvelle compréhension de soi en vue d’une transformation du monde. L’herméneutique des textes  débouche donc sur une pratique sociale et politique. La théologie de l’inculturation comprise comme théologie de l’invention, ce n’est pas seulement la production d’un nouveau sens du message chrétien en fonction de la matrice culturelle africaine, c’est l’instauration de pratiques historiques inédites.
« Toute théologie est contextuelle… C’est  ainsi que nous saluons l’avènement d’une théologie africaine qui cherche à retraduire les richesses du mystère chrétien à partir des ressources propres d’une anthropologie et d’une vision du monde typiquement africaines. Mais justement, les exigences mêmes de l’inculturation nous invitent à aller plus loin et à envisager la possibilité et la légitimité d’une pluralité de confessions de foi à l’intérieur de l’Eglise catholique »[14].
Face aux grandes cultures et civilisations non occidentales, on a besoin d’inventer de nouveaux supports représentatifs pour traduire la vérité chrétienne de telle façon qu’elle devienne une vérité existentielle pour ses peuples.
« Il s’agit de l’invention de nouveaux concepts pour rendre une affirmation dogmatique intelligible dans un contexte culturel et historique donné. Il s’agit donc bien d’envisager la possibilité d’une reformulation du dogme quand une formule dogmatique n’est plus assez transparente pour permettre une réelle appropriation de la vérité chrétienne par le sujet croyant. On doit parfois prendre une certaine liberté par rapport à la visée permanente d’une affirmation dogmatique »[15].
Le concept du dogme est loin d’avoir l’unique sens étroit que semble donner le courant théologique thomiste.  Aujourd’hui, on prend conscience de la présence de différents cultures, civilisations et différents courants théologiques, à savoir : le thomisme, l’augustinisme, le mouvement théologique moderne et contemporain et les théologies du Tiers-Monde dont la théologie africaine.   Ça vaut la peine d’accepter cette réalité qui est devant nous. Il s’agit d’une tâche herméneutique, c’est-à-dire « un discours  ecclésial qui vise l’homme concret, qui est attentif aux signes des temps et qui de ce fait, prend en compte l’historicité des expressions de la foi »[16]. Cela veut dire « le souci pastoral ou la réponse doctrinale aux aspirations fondamentales des hommes, à leurs besoins les plus urgents dans la conjoncture dramatique d’un monde se trouvant à l’un de ses tournants décisifs »[17]. Cette tâche est nécessaire, urgente  et prioritaire pour les jeunes Eglises d’Afrique. Pour les communautés chrétiennes africaines, il ne s’agit plus de la communication interculturelle entre les différentes époques de l’histoire d’une même société.
Come le constate NGINDU Mushete,
« le problème de l’inculturation du christianisme se pose avec une acuité particulière pour les jeunes Eglises du Tiers-Monde qui n’ont pas Athènes et Rome pour racines culturelles. Il ne s’agit pas seulement de s’adapter, de se rajeunir à l’intérieur d’une même culture en mouvement. Il s’agit de bâtir une théologie compréhensive et explicative, une théologie où les cultures locales ne sont pas seulement décrites mais réellement intégrées à un ensemble conceptuel plus vaste, permettant une reprise critique des données fondamentales du révélé chrétien. Tâche dextrement difficile et où l’information historique et la bonne volonté ne sont   pas une condition suffisante »[18].
 Il ne s’agit pas non plus de « re-traduire, de re-dire mais, généralement, de traduire, de dire, de penser le message pour la première fois. L’inculturation doit amener les communautés chrétiennes africaines à une inventivité opératoire, qui leur permettra de ne plus répéter machinalement les formules reçues.»[19].

 CONCLUSION

          Ce travail a porté sur la pertinence de l’herméneutique dans l’inculturation du Dogme en Afrique. Nous avons choisis l’ouvrage de Léonard Santedi comme notre source majeure d’inspiration. Cet auteur traite la question des dogmes et l’inculturation en Afrique en montrant l’importance de l’herméneutique dans l’inculturation. C’est ainsi qu’après avoir montré qu’il n’y a pas de méthode qui soit meilleure par rapport à d’autres, et que toutes les méthodes recensées et couramment utilisées aujourd’hui sont à la fois fécondes et limitées, nous avons pris l’hermétique comme notre titre exemplaire.
« Toutes les méthodes de recherche recensées d’hier à aujourd’hui sont à la fois fécondes et limitées, très fécondes et très limitées »[20]. Il n’y a pas de méthode de recherche qui soit meilleure que les autres. C’est là le défaut majeur de la théologie scholastique, qui tenait la méthode déductive comme la méthode la meilleure en théologie. Le choix d’une méthode dépend de l’objet de l’étude. Par exemple, dans notre travail, nous avons pu montrer la pertinence de la méthode herméneutique dans l’inculturation du dogme.
Il y a deux dangers qui menacent et hypothèquent toutes les méthodes recensées, à savoir : l’historicisme ou l’insupportable prétention de vouloir se passer de la métaphysique et l’extrinsécisme ou l’insupportable prétention de vouloir se passer de l’histoire.  « L’historisme et l’extrinsécisme conduisent aux mêmes résultats : scientisme, rationalisme, formalisme, concordisme, biblicisme, adaptation, actualisation, fondamentalisme, fidéisme, conservatisme, fanatisme, intolérance, charlatanisme, plagiat, c’est-à-dire l’absence de l’esprit critique et de discernement scientifique »[21].
            Pour qu’ils puissent avoir un sens aux africains, les dogmes de l’Eglise catholique doivent être  adaptés et réincarnés dans le contexte culturel africain. Le Concile Vatican II a reconnu cette réalité comme le note J. Mbiti :
« Le christianisme a parlé trop longtemps et beaucoup trop ; peut-être a-t-il trop peu écouté. Trop longtemps, il a porté un jugement sur d’autres cultures, d’autres religions, d’autres sociétés, tandis qu’il se maintient hors de toute critique. Le temps est peut-être arrivé maintenant pour le christianisme occidental d’être plus humble dans son approche des autres religions et cultures, s’il veut être efficace ici en Afrique »[22].
Le temps de l’Eglise, qui est le temps de l’Esprit Saint, révèle le caractère limité et provisoire de la racine juive et de gréco-romaine. Le passage de la révélation exprimé en araméen et en hébreu, aux grecs et aux latins révèle la souveraine liberté de Dieu qui peut se manifester  à toutes les cultures et à toutes les langues du monde.

 BIBLIOGRAPHIE

DOCUMENTS DU MAGISTERE :

__ Vatican II, Dogmatique constitution de l’Eglise, Gaudium et Spes.

__  BENOIT XVI, Deus Caritas Est.

OUVRAGE DE BASE:
__ SANTENDI Kinkupu L., Dogme et Inculturation en Afrique : Perspective d’une théologie de l’Invention. Préface de Claude Geffré, Paris, Karthala, 2003.

AUTRES OUVRAGES :
__ KAPOPWE Kilongoshi A., La théologie africaine de l’inculturation, in Willy OKEY Mukolmen(Dir), Philosophie et Théologie en Afrique à l’ère de la mondialisation, Actes des Douzièmes journées scientifiques de l’Université Saint Augustin de Kinshasa du 17 au 20 décembre 2008, Kinshasa, USAKIN, 2009.
                                                                                                                                                                        __ NGINDU Mushete A.,  Combats pour un christianisme africain. Mélanges en l’honneur du Professeur V. Mulago, Kinshasa, F.T.C., 1981.
__ IDEM,  Notes de Cours de l’Initiation à la Methodologie Théologique, Kinshasa, USAKIN, 2008-2009, inédit.
__ IDEM,   Notes pris lors du cours de Théologie  Fondamentale à l’USAKIN, Kinshasa, USAKIN, 2010, inédit.

__ TSHIBANGU Tshishiku, La Théologie Africaine. Manifeste et programme pour le développement des activités théologiques en Afrique, Kinshasa, Saint Paul Afrique, 1987.

DICTIONNAIRE :
__ BOUYER L.,  Dictionnaire théologique. Nouvelle édition revue et mise à jour. Paris, Disclée, 1990.
__ DI BERARDINO A., Dictionnaire Encyclopédique du Christianisme ancien. Adaptation française par François VIAL, Vol. 1, Paris, Cerf, 1990.

ENCYCLOPEDIE :

__ DUBOST M., THEO : L’encyclopédie catholique pour tous, Paris, Droguet-Ardant/Fayard, 1992.

 
__________________________

[1] Cf. A. NGINDU Mushete,  Notes de Cours de l’Initiation à la Méthodologie Théologique, Kinshasa, USAKIN, 2008-2009, p. 51-76, inédit.
[2] A. NGINDU Mushete, Notes du cours de Théologie  Fondamentale, Kinshasa, USAKIN, 2010, inédit.
[3] TSHIBANGU Tshishiku, La Théologie Africaine. Manifeste et programme pour le développement des activités théologiques en Afrique, Kinshasa, Saint Paul Afrique, 1987, p. 65.
[4] Cf. Benoit XVI, Deus Caritas Est.
[5] Michel DUBOST, THEO : L’encyclopédie catholique pour tous, Paris, Droguet-Ardant/Fayard, 1992, p. 603.
[6] Louis Bouyer, Dictionnaire théologique. Nouvelle édition revue et mise à jour. Paris, Desclée, 1990, p.112.
[7] Angelo DI BERARDINO, Dictionnaire Encyclopédique du Christianisme ancien. Adaptation française par François VIAL, Vol I, Paris, Cerf, 1990, p.706.
[8] Léonard Santedi Kinkupu,  Dogme et Inculturation en Afrique : Perspective d’une théologie de l’Invention. Préface de Claude Geffré, Paris, Karthala, p.131.
[9] Ibid., p. 131.
[10] Ibid., p. 65.
[11] Michel DUBOST, Op.  Cit., p. 603.
[12] Léonard Santedi Kinkupu, Op. Cit., p. 125.
[13]A  NGINDU Mushete, Combats pour un christianisme africain. Mélanges en l’honneur du Professeur V. Mulago, Kinshasa, F.T.C., 1981, p. 15.
[14] Léonard Santedi Kinkupu, Op. Cit., p.9.
[15] Ibid., p. 10.
[16] Vatican II, Constitution dogmatique de l’Eglise, Gaudium et Spes, 62.
[17] Jean XXIII, Discours d’ouverture au Concile (11 oct. 1962).
[18] A. NGINDU Mushete, l’nculturation du christianisme comme probléme théologique in A. NGINDU Mushete (Dir.), Combats pour un christianisme africaine. Melanges en l’honneur du Professeur V. Mulago, Kinshasa, F.T.C., 1981, p.11-12.
[19] Léonard Santedi Kinkupu, Op. Cit., p. 202-203.
[20] A. NGINDU Mushete, Notes du cours de Théologie  Fondamentale, p. 77.
[21]Ibid.,  p. 77.
[22]Cité par R. DE HAES, La Théologie des religions après Vatican II, in La pertinence du Christianisme en Afrique, VIe semaine Théologique organisée par la Faculté de Théologie Catholique de Kinshasa, 1972, p. 437, Cité par A. NGINDU Mushete, Combats pour un christianisme africain. Mélanges en l’honneur du Professeur V. Mulago, Kinshasa, F.T.C.K., 1981, p. 18.