J’ai eu cette conclusion à partir d’une expérience concrète de vie que nous (mes quatre confrères, à savoir Jérémie, Yeinson, Luc, Charles ainsi que moi) avons vécue il n’y a pas longtemps. Nous venons de commencer nos études théologiques à l’Université Saint-Augustin de Kinshasa après avoir eu une bonne expérience d’apprentissage de la langue française. Jusqu’à présent nous avons eu le plaisir de rencontrer un certain nombre de professeurs qui y donnent cours.
Primo, nous avons deux cours des langues : hébreu et grec. Le cours de l’Initiation à l’hébreu biblique est donné par le Prof. Abbé André Kabasele Mukenge. Ce grand savant qui connaît à fond sa matière est Maître en textes bibliques vétérotestamentaires. Cependant, la manière dont il enseigne donne une impression qui puisse persuader ses étudiants de deviner ce qu’il pense : « Si on est intelligent et qu’on soit à mesure de connaître a priori sa matière, alors on a la qualification préliminaire d’être son étudiant ». Sa mentalité se montre clairement lorsqu’il dit qu’il ne supporte que des questions intelligentes. Alors, ses étudiants se trouvent souvent coincés dans cette situation. On se demande : qu’est-ce que c’est qu’une question intelligente, et ensuite, qu’est-ce qui arrivera si l’on lui posait des questions non intelligentes… ! La situation devient autant compliquée que l’hébreu-même qui s’écrit de droite à gauche et qui exige une main artistique ; car en l’écrivant on ne fait que des dessins. Un autre facteur qui fait l’apprentissage de cette langue-ci très difficile c’est sa grammaire : peu de règles mais beaucoup d’exceptions là-dessous ; un détail semblable à celui des « Rituel des sacrifices » dans le livre du Lévitique 1-7, où l’on trouve des conditions presque partout : « Lorsque…, si…, si…». Nous suivons également un cours de l’Initiation au grec du Nouveau Testament avec le Prof. P. Gaetano Cazzola. C’est un savant bienveillant qui est toujours soucieux d’assurer que tout le monde arrive à bien maîtriser son cours. Il sait bien motiver ses étudiants par son dicton assez nuancé : « Ecrivez…écrivez jusqu’à fatiguer…eh, mon frère…eh, je vous assure… eh, ça va chauffer, eh ! »
Secundo, on a le Prof. Abbé Alphonse Ngindu Mushete qui nous donne le cours de Théologie Fondamentale ainsi que l’Introduction à la Méthodologie Théologique. C’est un savant très bienveillant qui se donne, depuis des années, à la formation intellectuelle en tant que professeur et qui est très fier d’être Africain. Il se nomme « Théologien-Africain; Africain-Théologien (avec trait d’union)» et encore « Théologien à temps plein ». Mais attention ! Si vous le citez en écrivant son nom sans trait d’union il vous dira tout simplement que ce n’est pas lui et que vous n’êtes qu’un plagiaire. Ce professeur nous dit qu’il n’a point besoin du dictionnaire français, car il crée et manipule d’une manière spontanée les mots dont il a besoin. Il a lui-même son propre dictionnaire. Il croit fort que la théologie doit être bien fondée sur deux facteurs majeurs et hautement scientifiques et sans lesquels il n’y a pas de science : l’objectivité et le sens de la rigueur. Il aime sa matière à tel point qu’il tombe souvent en extase pendant le cours. Pour expliquer « le sens de la rigueur », il commence ainsi : « N’est pas savant qui veut, n’est pas théologien qui veut… » Ensuite, il cite la prière de Saint Augustin en latin, « Noverim Te, noverim me, noverim Te, noverim vos, noverim me » ; et puis, en français « Seigneur, que je Te connaisse pour que je me connaisse, et que je me connaisse pour Te connaître, que je Te connaisse pour connaître les autres, et en connaissant Dieu et les autres, me connaître moi-même, et que je me connaisse moi-même pour connaître Dieu et les autres par moi». A ce point, il est déjà en extase et il nous faut patienter pendant une quinzaine de minutes pour qu’il puisse revenir à notre monde. Et lorsqu’il revient, il dit : « Mes amis…mes amis, voilà la science, voilà la rigueur. Eh ! Ngindu Mushete, maman na ngai…ngai moko !»
Tertio, on a deux cours avec le Prof. Abbé Pierre Mukuna Mutanda, à savoir : l’Histoire de l’Eglise Antique et la Critique Historique. Si ce professeur avait vécu au Ve siècle, on l’aurait appelé « sophiste » ou bien « encyclopédiste ». C’est un formateur qui connaît bien sa matière et qui a presque toutes les informations y relatives grâce à sa longue expérience d’enseignement. Il est très rigoureux pour bien nous montrer que l’histoire est une science. Il a une exigence vraiment pesante qui nous oblige à devenir pendant trois mois ce qu’il est devenu pendant tant d’années. Cependant, il a une belle méthodologie de reprendre à chaque fois la matière qu’il avait donnée pendant la leçon précédente pour nous en faire souvenir.
Enfin, deux cours de Bible clôturent notre liste pour ce premier semestre. Premièrement, l’Introduction à l’Ancien-Testament par le Prof. Abbé Bobo. Ce cours vise à nous introduire dans la mentalité de grands courants théologiques de la révélation vétérotestamentaire. Comme l’objet l’indique, ce professeur nous a livré une bibliographie très vaste et choquante. Par conséquent, son souci de parcourir tout cela se montre bien pendant qu’il donne cours car il a une vitesse journalistique. Conscient de cela, il attire notre attention sur ce cours en nous disant qu’il faut bien suivre parce qu’on sera obligé de se conformer à certaines circonstances(les interrogations). Deuxièmement, le Prof. P. Roger Wawa, qui nous donne le cours du Milieu socioculturel du Nouveau Testament. C’est un professeur qui encourage les étudiants à faire des recherches personnelles ainsi qu’à se spécialiser en Bible.
Bref, tous ceux professeurs sont des grands savants, chacun en sa matière et à sa méthode d’enseignement. Ce qui nous est utile c’est d’essayer de nous adapter à toutes ces exigences. Jusque-là nous avons bien fait un effort d’y arriver et nous y sommes presque. Pendant les premières semaines, nous avions rencontré quelques difficultés: d’une part, parce que nous ne nous étions pas encore adaptés aux différentes méthodologies des professeurs ; et d’autre part, parce que nous rencontrions souvent pendant les cours de nouveaux vocabulaires, très étranges à nos oreilles naïves. C’est à cause de cela qu’on prenait des notes en sautant, comme une grenouille en déplacement, tout en laissant des blancs partout pour qu’après l’on pût les compléter.
Bien que ces professeurs nous paraissent un peu trop rigoureux, nous sentons leur souci de nous former réellement dans la connaissance scientifique. Ils comprennent bien ce que notre fondateur, Bienheureux Joseph Allamano, nous a dit : « Pour le missionnaire, la sainteté ne suffit pas ; mais il faut aussi la science…Une préparation intellectuelle médiocre ne suffit pas, mais il faut une vraie science. Le missionnaire ignorant est une idole de tristesse et d’amertume ». Pour bien éclairer cela, le Fondateur cite plusieurs sources dont trois suivantes : d’abord St. Jérôme : « …le prêtre doit être un savant et un défenseur de la vérité » (La Vie Spirituelle p.162). En suite, le Livre de Malachie 2,7 :« Car c’est aux lèvres du prêtre de garder le savoir et c’est de sa bouche qu’on recherche l’instruction : il est Messager de Yahvé Sabaot ».Et enfin, le prophète Osée 4,6 : « Mon peuple périt faute de science. Puisque tu as, toi, rejeté la science, je te rejetterai de mon sacerdoce.»(Voir: Voici Mon Esprit n° 52).
Le même souci est mis en évidence dans la Ratio Formationis imc : « Nos jeunes seront éduqués à considérer l’étude de la Théologie comme un moyen qui donne de la lumière et de la profondeur à toutes les dimensions de leur formation » (p. 144, édition française). Ce besoin se montre fortement aujourd’hui où les exigences de la mission deviennent de plus en plus compliquées : une connaissance d’homme très élevée et l’évolution de culture où l’on devrait parler de « les moins de 8 ans » au lieu de « les moins de 18.»
C’est ainsi que nous sommes vraiment décidés de nous laisser former dans les sciences comme le dit le Prophète Jérémie: « Tu m’as séduit, Seigneur, et je me suis laissé séduire ; tu m’as maîtrisé, tu as été le plus fort » (Jr.20, 7).
Que Dieu de tout don nous bénisse, bénisse nos professeurs, ainsi que nos supérieurs qui avec tout leur cœur nous font grandir dans la connaissance intellectuelle et dans l’amour du Seigneur Jésus ! Amen.
<<<Cet article est aussi publié dans le Site des Missionnaires de la Conslolata: http://www.consolata.org/>>>
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